Un 8 mai d’hommage pour la Paix

13147864_10205566670717127_7012122999902771879_o-jpg

Nous sommes réunis en ce 8 mai 2016 pour commémorer l’Armistice qui a marqué la fin de la Seconde Guerre Mondiale en Europe de l’Ouest, l’arrêt complet des hostilité sur le vieux continent devant attendre le 9 mai avec la victoire de l’Armée Rouge Soviétique contre les forces nazies, et le 2 septembre dans le Pacifique avec la capitulation du Japon.

Ces trois dates, qu’il ne faut pas réduire au seul 8 mai, marquent la fin du pire conflit que n’a jamais connu le Monde, du plus étendu en termes géographiques, du plus meurtrier, du plus paroxystique et surtout de celui au cours duquel l’humanité s’est perdue abimée, et montré sa capacité la plus aboutie à nier son humanité même.
Si la première guerre mondiale a fait montre d’une barbarie sans limites, d’innovations techniques ravageuses et meurtrières, elle est globalement restée cantonnée sur le front, entre lignes ennemies, face à face. Il n’en est rien avec la seconde guerre mondiale, qui au-delà du conflit armé même, a été l’expression de la plus totale perte d’humanité.

N’oublions pas que si la guerre a débuté officiellement en 1939, elle a été précédée dès 1936 de conflits et de mouvements d’armées qui étaient les premiers nuages noirs de la guerre.

En 2016, nous devons avoir ici une pensée toute particulière pour nos frères espagnols, 80 ans après le début de la guerre civile qui a ravagé la péninsule pendant trois ans et demi. Répétition générale de la seconde guerre mondiale, qui a vu la droite réactionnaire se liguer avec l’Eglise et l’Armée pour prendre les armes contre la nouvelle République élue, qui a vu affluer les combattants internationaux tandis que les légions aériennes nazis survolaient son ciel. Cette Espagne, qui comme le monde moins de trois ans après, voyait des frères de sang prendre les armes les uns contre les autres, a été le laboratoire de la répression, de la folie meurtrière, jusque dans l’exil de ses fils républicains.

Pétrie de haine nationaliste, de racisme, de xénophobie, de ségrégation religieuse, l’Europe puis le Monde en arrivait à planifier et mettre en œuvre l’extermination d’une partie de son être lui-même sans autre justification que le fait qu’il existe.

La guerre des nations est une chose inepte, sans objet, immorale, nihiliste, qui débouche sur 70 millions de morts en six ans, sur des opérations militaires sans précédent, sur des bombardements d’une ampleur inégalée, sur l’usage terrifiant du feu nucléaire, à deux reprises.

Mais l’exacerbation du totalitarisme en est une autre, avec un système de conditionnement qui a permis, permet permettra à des pans entiers de ces sociétés de se dresser contre elle-même pour se broyer elles-mêmes. Avec une froideur bureaucratique implacable, soutenue par une justification idéologique, religieuse ou politique sans faille, admise avec une lâcheté silencieuse et complice, la machine à asservir, puis à exterminer se met en place.

L’ethnologue Germaine Tillion, résistante, déportée, dont les cendres ont été transférées au Panthéon en 2015 s’interroge.

“Comment ces hommes-là les tortionnaires dans les camps], et des centaines d’autres, appartenant par leur origines et leur formation aux cadres moyens de la société allemande, protégés apparemment par tous les garde-fous de notre civilisation (la morale, la religion, le droit, les enseignements de l’histoire), ont-ils pu torturer de leurs mains, massacrer eux-mêmes ou faire massacrer sous leurs yeux, par dizaines, par centaines, par milliers, par millions, de sang-froid, à longueur d’années, des familles totalement sans défense, tenant leurs petits enfants par la main, “coupables d’exister”? C’est bien là la question que se posent ceux qui connurent, de près ou par ouï-dire, l’univers concentrationnaire… Aujourd’hui… Je suis convaincue qu’il n’existe pas un peuple qui soit à l’abri d’un désastre moral collectif”.

Ainsi, la France, patrie des Lumières et des droits de l’homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, une partie d’elle-même livrait ses protégés à leurs bourreaux, tandis qu’une autre luttait dans l’ombre pour abattre la bête immonde. C’est dire si les schémas d’analyse simplistes ne résistent pas. C’est dire toute la lucidité qu’il faut, pour comprendre, expliquer ce qui dépasse l’entendement.

Oui, nul peuple n’est à l’abri du pire, par la seule grandeur de son passé, par la seule gloire de son histoire, ou la seule hauteur de ses penseurs et philosophes. Cela ne constitue aucunement un rempart contre la chute dans la barbarie entrainée par la perte totale de repères moraux et humanistes qui peut survenir sournoisement et à tout moment, pour peu que le contexte économique et social en constitue le terreau fertile.

Vous, qui êtes tombés dans les sables du Sahara, sur les plages de Normandie ou les plaines de Russie, qui vous appeliez tommi, GI ou frontovik, vous qui êtes tombé au détour d’une voie ferrée, partisan de l’ombre, nous vous devons la liberté.

A ce titre, la célébration de l’Armistice du 8 mai 45 n’est pas seulement l’affaire des anciens combattants, des élus et des corps constitués. Elle est fondamentalement l’affaire de tous les citoyens.

Pour nos enfants et pour vous, notre devoir aujourd’hui est porter un message de paix de tolérance, de respect humain partout dans le monde, à commencer à par chez nous.

Oublier ce message serait oublier la première leçon que nous devons retenir de la barbarie nazie. En effet, et il faut le rappeler sans cesse, le parti nazi est arrivé au pouvoir en Allemagne de manière quasi démocratique, par les élections. La banalisation dans le discours politique des idées xénophobes et racistes est un danger mortel susceptible de toucher l’ensemble du champ politique. L’explication qui est donnée par certains, répétant à l’envie que nos difficultés quotidiennes sont de la faute de l’autre se transforme très rapidement en haine de l’autre et débouche inéluctablement sur une politique de boucs émissaires et sur la violence.

Il est vrai qu’il est plus facile de distiller ce poison que de combattre les vraies causes de la misère, des inégalités et de l’enrichissement inconsidéré d’une infime minorité.

La première valeur humaine est la tolérance et la compréhension de l’autre, et non le jugement. Elle ne doit toutefois pas céder au relativisme, et l’humanisme a vocation universelle, ce qui doit être rappelé sans cesse avec fermeté, vigueur et inflexibilité face à ceux qui entendent déconsidérer ses valeurs, où qu’ils soient.

Afin de préparer un avenir pour nos enfants qui ne soit pas pavé de larme, il est plus que jamais l’heure de faire notre la phrase de Pierre Brossolette qui disait : « Ce que nos morts attendent de nous, ce n’est pas un sanglot, mais un élan ».

Ce n’est pas dans le nationalisme xénophobe, dans les tentations de sortie de l’Union Européenne que nous trouverons cet élan.

Franck Brechon

Maire

[partager-sur-facebook